Procès de Georges Tron. Récit d’une folle journée conclue par un coup de théâtre
Ouest-France – publié le 15 décembre 2017
Le verdict attendra. Le procès pour viols en réunion de l’ex-secrétaire d’État Georges Tron a été renvoyé, ce vendredi, par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis. Pendant la journée d’audience émaillée de heurts, les doutes du président de la cour ont été ébruités en pleine audience par la défense.
La décision a été lue à toute allure, ce vendredi soir, par le président de la cour d’assises. Il a ajourné le procès de Georges Tron. Il a indiqué que l’impossibilité de tenir le procès dans les délais impartis justifiait le renvoi « à une session ultérieure ». Auparavant, il avait été mis en cause pour sa manière de mener les débats.
Ouvert mardi, le procès devait se tenir jusqu’au 22 décembre, à l’écart de l’Essonne où Georges Tron est élu de longue date. Outre la mairie de Draveil qu’il dirige depuis 1995, il est conseiller départemental et ancien député (1993-2010, 2011-2012).
L’ex-secrétaire d’État à la Fonction publique (2010-2011) est accusé par deux ex-employées municipales de viols et agressions sexuelles avec la participation de son ex-adjointe à la Culture, Brigitte Gruel, jugée avec lui. Tous deux clament leur innocence.
Une conversation privée dévoilée
Ce vendredi, l’avocat de l’accusé, Me Eric Dupond-Moretti, a joué son va-tout après le rejet par la cour d’une demande de renvoi : il a révélé le contenu d’une conversation entre des avocats et le président de la cour d’assises, Régis de Jorna. Ainsi, à peine la cour a-t-elle prononcé sa décision que l’avocat tempête : « Je ne veux pas qu’on dise que la défense a demandé le renvoi parce que la défense a peur. »
Selon le ténor du barreau, la défense entendait par cette demande de renvoi « soulager » le magistrat qui avait, d’après Me Dupond-Moretti, déclaré à des avocats qu’il aurait préféré « que ce soit une femme qui préside ».
Le président n’a pas démenti ces propos mais affirmé qu’il s’agissait d’« une conversation privée à laquelle vous n’étiez pas présent Me Dupond-Moretti ».
Après 2 h 30 de suspension d’audience, l’avocat a demandé au magistrat de renoncer à assurer la poursuite des débats. « Vous nous avez fait part d’états d’âme qui vous honorent », a-t-il déclaré. « Au pire, c’est un aveu d’incapacité, au mieux c’est un aveu de difficulté. »
« Terrorisme judiciaire », dénoncent les parties civiles
Les parties civiles et l’avocat général ont concédé que le procès ne pouvait plus se poursuivre, compte tenu notamment du retard qui avait déjà été pris dans les débats.
Tous ont pointé du doigt la défense de Georges Tron : « Une stratégie de bulldozer qui visait à nous museler », selon Alexandre-M. Braun, un « terrorisme judiciaire » pour Vincent Ollivier, respectivement avocats de Virginie E. et Eva L.
« L’opinion publique retiendra que vous n’avez pas voulu être jugé », a affirmé de son côté l’avocat général, Frédéric Bernardo. « Celui qui est innocent, il s’empresse de s’expliquer. Six ans de procédure et on n’a toujours pas de réponse », a-t-il pointé, parlant de « mauvaise foi ».
La défense avait justifié la demande de renvoi parce que la « sérénité des débats » n’était plus assurée.
L’attitude du président avait été critiquée la veille dans des tweets de journalistes mettant en doute son impartialité lors de l’interrogatoire de Virginie E.
La défense dénonçait aussi la diffusion jeudi soir par France 2 d’un sujet d’Envoyé spécial où apparaissaient Virginie E. et une ancienne attachée parlementaire de Georges Tron, appelée à témoigner.
Georges Tron : « De la sérénité »
« Ce que je souhaite, c’est qu’on puisse avoir des explications les uns et les autres, mais que ça puisse se faire dans la sérénité. Si ça ne se fait pas dans la sérénité, pardon de le dire ainsi mais ce n’est plus vraiment la justice de mon pays », a déclaré Georges Tron, à la sortie de l’audience.
Jugé dans le sillage de l’affaire Weinstein, le scandale Tron avait éclaté en mai 2011, dix jours après la retentissante arrestation à New York de Dominique Strauss-Kahn, alors patron du Fonds monétaire international. Georges Tron avait démissionné du gouvernement et dénoncé un complot de l’extrême droite.
Le procès ne devrait pas se tenir avant plusieurs mois en raison d’un calendrier chargé à Bobigny et de la priorité donnée aux affaires dans lesquelles les accusés sont incarcérés.