Procès de Georges Tron : «J’étais une poupée gonflable»
Le Parisien – publié le 14 décembre 2017
Virginie F., l’une des deux femmes qui accusent de viols Georges Tron, a été longuement interrogée hier y compris sur ses incohérences. Elle s’est défendue, parlant de sidération.
Un procès d’assises est éprouvant. Virginie F., l’une des deux femmes qui accusent de viols Georges Tron, ancien secrétaire d’Etat, maire LR de Draveil (Essonne) et Brigitte Gruel, son ancienne adjointe, l’a vécu hier au troisième jour du procès devant la cour d’assises de Seine Saint Denis.
Elle est sous le feu des questions depuis une heure quand Me Vincent Ollivier, son avocat, bondit pour se plaindre de l’interrogatoire du président Régis de Jorna. Celui-ci répond : « On se doit de poser des questions dérangeantes. » Me Ollivier : « C’est l’impression qui est dérangeante. C’est la première fois que j’interviens dans des faits de viol et que je vois une victime mise à ce point sur le gril. » Me Eric Dupond-Moretti, avocat de Georges Tron, répond alors: « Si la justice est devenue la sacralisation de la parole de la plaignante, je ne me reconnais pas dans cette pratique de l’exercice judiciaire. »
Régis de Jorna avait décidé de questionner l’accusatrice sur certaines incohérences : le cancer de l’utérus qu’elle a inventé, l’amant qui a reconnu une relation avec elle, liaison qu’elle réfute toujours, et sur les erreurs de date, en particulier concernant le jour où elle a tenté de mettre fin à ses jours. « Pour la première tentative de suicide, on va appeler ça comme ça, commence le président, vous avez dit que c’était en décembre. Or, c’est le 19 novembre 2009, le soir du dîner ».
Le magistrat fait référence au premier viol que Virginie F; dénonce, faits qui auraient eu lieu après un repas en présence de membres d’une association de pêcheurs. Pourquoi n’a-t-elle pas réagi ? « Je n’étais pas en mesure d’opposer de résistance » répond Virginie F.
Georges Tron lui a, selon elle, pris les jambes sous la table pour les poser sur ses cuisses. Au moment de passer au fromage, elle se rend compte que Georges Tron a les deux mains sur la table et que c’est en fait Brigitte Gruel qui lui touche les pieds.
« Je faisais en sorte que rien ne paraisse à l’extérieur pour que les autres personnes ne se rendent compte de rien » relate-t-elle. C’est à l’issue de ce repas que le viol aurait été commis. « J’ai fermé les yeux », continue-t-elle. Or, elle a décrit des rapports bien précis. « J’ai entendu des gémissements, des bruits de vêtements et j’ai supposé » reprend-elle. Plus tard, chez elle, elle dit avoir pris une douche et s’être « frottée avec une brosse à ongles pour faire partir cette odeur.»
Pour le viol du 4 janvier 2010, qu’elle affirme avoir subi au domicile de Brigitte Gruel, elle raconte la même scène et une absence implicite de consentement : « Par mon inactivité, j’ai montré que je n’étais pas consentante. » Dans sa déposition elle ajoutait : « J’étais un morceau de viande, une poupée gonflable ». A la barre, elle confirme ces propos.
Me Vincent Ollivier appuie : « La sidération et l’emprise sont deux notions psychiatriques parfaitement connues qui expliquent pourquoi une victime ne peut réagir face à son agresseur. » Durant une suspension d’audience, Virginie F. livre : « Je ne pensais pas être aussi émue. Ce n’est pas facile de faire comprendre à quelqu’un qui n’a pas vécu cette sidération ce que c’est. On est parole contre parole. Il n’y a pas d’ADN, pas de témoins, c’est sûr. Un viol ne se fait pas au stade de France, on ne fait pas de selfies. »